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« Les éoliennes ne devraient pas être autorisées dans les zones où les enjeux sont trop forts »


Simon Gaultier Doctorant en écologie des chiroptères, Université de Turku (Finlande) Co-auteur de la synthèse Éoliennes et biodiversité réalisée pour l’OFB et la LPO


Actu-Environnement : Quels sont les impacts des éoliennes sur la biodiversité ?

Simon Gaultier : Les principaux impacts portent sur les oiseaux et sur les chiroptères qui peuvent être tués directement par collision ou affectés au niveau de leur comportement sur le site. Mais les éoliennes peuvent aussi engendrer pertes et dégradations d'habitats lors des phases de construction ou d'exploitation, avec un impact sur toute la faune et la flore, parfois sur des espèces menacées ou présentant un intérêt patrimonial fort. Ces changements sur les habitats sont plus flagrants dans le cas d'une implantation en forêt nécessitant un défrichement et la création de voies d'accès, par exemple.

AE : Quelles sont les espèces les plus touchées ?

SG : Parmi les oiseaux, il y a tout d'abord les passereaux, retrouvés sous les éoliennes lors des migrations nocturnes. Les espèces les plus affectées sont le Roîtelet à triple bandeau, l'Alouette des champs et le Rouge-gorge. En second lieu, ce sont les rapaces diurnes, que ce soit en phase de migration, de nidification, ou toute l'année pour les espèces sédentaires. On peut citer les faucons crécerelles, buses variables et milans (noirs et royaux). Quant aux chiroptères, les espèces passant le plus de temps en plein ciel, et donc à hauteur des pales, sont celles que l'on retrouve le plus souvent au pied des éoliennes. C'est le cas de la Pipistrelle de Nathusius et de la Noctule commune. On constate également un dérangement par évitement des éoliennes. Des études ont montré un effet de répulsion sur les chauves-souris en milieu agricole mais des analyses complémentaires sont nécessaires pour vérifier l'existence de cet effet dans les autres milieux.

AE : Les espèces rares ou protégées paient-elles un lourd tribut ?

SG : Des espèces aux statuts divers sont touchées. Mais lorsque les populations ne sont pas en bon état de conservation, comme dans le cas des faucons crécerellettes ou des milans royaux, les impacts dus à l'éolien leur ajoutent une pression supplémentaire.

AE : Quelles mesures de prévention et de protection peuvent-être prises ?

SG : Le choix du site constitue le meilleur moyen. Il faut éviter les zones  d'importance pour les espèces vulnérables à l'éolien. C'est particulièrement le cas des forêts mixtes ou âgées, des zones humides, des crêtes utilisées par les rapaces et migrateurs ou de certains micro-habitats (haies et ripisylves). Les porteurs de projets éoliens doivent se renseigner sur les espèces présentes sur les sites potentiels à travers des études de la bibliographie ou des données naturalistes locales, puis grâce à l'étude d'impact une fois le site choisi. Ces études sont primordiales. Si les impacts sont significatifs, l'opérateur doit prendre des mesures d'évitement et de réduction. Si, malgré ces mesures, ils sont jugés trop importants, le projet doit être abandonné. Le choix d'un site approprié est aussi un gain de temps et d'argent considérable pour le porteur de projet : il réduit le coût des mesures et accélère la réalisation du parc éolien.

AE : Certains zones doivent-elles être interdites à l'éolien ?

SG : La position de la LPO d'interdire les éoliennes dans les secteurs Natura 2000 était partagée par l'ONCFS. Les parcs éoliens ne devraient pas être autorisés dans les zones où les enjeux sont les plus forts. C'est déjà le cas dans certaines aires naturelles comme les réserves naturelles et les zones cœurs des parcs nationaux où l'éolien est interdit. Mais il est très difficile d'éviter totalement les zones de présence d'oiseaux et de chauves-souris sensibles à l'éolien. Des espèces très touchées comme le Faucon crécerelle ou la Pipistrelle commune sont en effet présentes sur l'ensemble du territoire. Il apparaît donc compliqué de généraliser des interdictions et il vaut mieux privilégier le cas par cas, en se basant sur les études d'impact pour identifier au mieux les enjeux liés au projet.

AE : Les dispositifs de détection et d'effarouchement sont-ils efficaces ?

SG : Il existe des méthodes utilisant des caméras ou des détecteurs acoustiques couplés à un logiciel qui déclenche l'arrêt de l'éolienne ou une mesure d'effarouchement. Ces systèmes ne sont actuellement pas efficaces à 100 %. Mais ces technologies s'améliorent. Elles vont devenir très efficaces et devront être privilégiées. Un autre dispositif est le bridage des éoliennes basé sur des paramètres météorologiques (vitesse du vent, précipitations, température) et les phases d'activité des chauves-souris. Ils permettent de définir des périodes à fort risque de collision durant lesquelles les éoliennes doivent être stoppées, et au contraire des périodes à risque faible où les éoliennes peuvent fonctionner. Les chauves-souris sont par exemple inactives en hiver, mais certaines migrent au printemps et à l'automne, augmentant le risque de collision.

AE : Le suivi biologiue se révèle donc primordial ?

SG : Oui, le contrôle et le suivi de la mortalité et de l'activité des oiseaux et chiroptères doivent être effectués une fois le parc en fonctionnement. Si les mesures mises en œuvre par l'exploitant sont inadaptées, la Dreal pourra demander des mesures supplémentaires. Le suivi, généralement effectué par un bureau d'études ou une association naturaliste, est obligatoire et doit être réalisé une fois durant les trois premières années du parc, puis ensuite une fois tous les dix ans. Des suivis et études supplémentaires peuvent aussi  être exigés lors de l'extension ou du renouvellement(repowering) d'un parc.

AE : Certains impacts nécessitent-ils des recherches supplémentaires ?

SG : Oui, c'est le cas de l'effet d'attraction des éoliennes sur certaines espèces de chiroptères. Plusieurs facteurs ont déjà été identifiés : la présence accrue de proies ou la possibilité pour les chauves-souris de gîter dans l'éolienne. On a aussi besoin d'études pour mesurer et quantifier l'impact à grande échelle (Europe ou France) des éoliennes sur les chauves-souris, car la taille de leurs populations reste inconnue, contrairement aux oiseaux. Il y a aussi un fort besoin de standardiser les méthodes d'étude et d'améliorer l'accès et le partage des données de suivi.


Interview  |  Biodiversité  |  09 mars 2020  |  Laurent Radisson

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